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Risque de refoulements susceptibles de porter atteinte aux droits fondamentaux
Risque de refoulements susceptibles de porter atteinte aux droits fondamentaux
La Commission Consultative des Droits de l’Homme (la « CCDH ») a pris connaissance du fait que le ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration procède actuellement à des convocations de familles de demandeurs d’asile déboutés depuis plusieurs années, qui se maintiennent en situation irrégulière sur le territoire. Il nous a été indiqué qu’au cours de l’entretien que ces personnes ont à cette occasion avec les agents du ministère, il leur est rappelé, à juste titre, le caractère irrégulier de leur séjour au Luxembourg et elles se voient également proposer une aide au retour volontaire. Si elles refusent de retourner « volontairement », elles sont alors informées du fait qu’elles seront renvoyées par la force.
La CCDH ne prend pas position sur les procédures et décisions individuelles en la matière. La CCDH tient cependant à rappeler une nouvelle fois dans ce contexte sa position de principe1 quant à l’absence déplorable au Luxembourg d’une législation concernant les modalités et l’exécution des décisions d’éloignements du territoire par la contrainte. Compte tenu de la gravité de tout éloignement forcé pour les personnes et familles concernées, il est impératif que ces procédures soient réglées par une loi. Par ailleurs, la CCDH réitère ses préoccupations face à la manière et l’heure de la pénétration au domicile des concernés, l’utilisation de la contrainte physique à leur encontre et l’absence d’interdiction absolue de certaines pratiques constitutives de tortures et traitements inhumains et dégradants.
La CCDH rappelle qu’une mesure d’éloignement forcé et surtout la manière dont elle est exécutée sont toujours susceptibles de constituer et créer des atteintes aux droits fondamentaux des personnes et en particulier de violer :
- l’article 8 de la Convention de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (ci-après, la CEDH) qui garantit la protection de la vie privée et familiale ainsi que l’inviolabilité du domicile,
- l’article 5 de la CEDH qui protège la liberté individuelle,
- l’article 3 de la CEDH qui interdit toute forme de tortures et de traitements inhumains et dégradants.
Les droits garantis par les articles 8 et 5 de la CEDH ne sont en soi pas absolus, dans la mesure où une loi peut, sous certaines conditions, prévoir les cas dans lesquels un Etat signataire, tel le Luxembourg, peut y déroger. Ainsi, en matière pénale, par exemple, la loi règlemente les conditions dans lesquelles des perquisitions domiciliaires peuvent avoir lieu, ainsi que les conditions dans lesquelles une personne peut se voir entraver. Les droits garantis par l’article 3 de la CEDH ne peuvent quant à eux souffrir d’aucune dérogation.
La CCDH a également pris connaissance de l’avant projet de loi sur la libre circulation des personnes et l’immigration dont l’article 118 (2), dans sa version actuelle, prévoit l’éloignement du territoire « par la contrainte ». L’article 118 (4) prévoit quant à lui l’élaboration future d’un règlement grand-ducal qui « établira un catalogue de règles de bonne conduite à appliquer par les agents chargés de l’exécution des mesures d’éloignements. » Même si cette question particulière sera probablement traitée par la CCDH dans le cadre d’une prise de position spécifique sur l’avant-projet de loi, elle tient cependant déjà à informer le Gouvernement qu’elle estime fondamental, d’une part, que ce « catalogue » soit précisé par la loi, dans la mesure où l’on peut s’attendre à ce qu’il définisse des règles visant à éviter tout acte de torture et de traitements inhumains et dégradants à l’occasion de l’exécution des mesures d’éloignements, et, d’autre part, que la loi vienne également à définir avec exactitude (et notamment dans les conditions fixées par la CEDH), les circonstances dans lesquelles les personnes pourront être contraintes et entravées et voir leur domicile violé à l’occasion de l’exécution d’une mesure d’éloignement.
La CCDH appelle le Gouvernement à se doter au plus vite d’une législation précisant les modalités et règles d’exécution des mesures d’éloignement et, face au vide juridique, elle invite le Gouvernement à considérer la possibilité de suspendre les mesures d’éloignement forcé du territoire de personnes en situation irrégulière.
1 - Avis de la CCDH sur le projet de loi N°5572 visant à transposer quatre directives européennes et à modifier la loi du 28 mars 1972 sur l’entrée et le séjour des étrangers (octobre 2006)
- Avis de la CCDH sur le projet de loi 5437 relatif au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection (avril 2005)
- Avis de la CCDH: L'expulsion et le refoulement du territoire des étrangers en situation irrégulière (avril 2003)
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