Communiqué concernant le refoulement de Salmi Taoufik Kalifi en Tunisie (4 avril 2003) et la réponse du Gouvernement à la question parlementaire 1543 du député André Hoffmann

En décembre 2003, la CCDH avait élaboré un avis sur les conditions dans lesquelles s’étaient effectués, la même année, certains refoulements vers la Tunisie, dont celui de Salmi Taoufik Kalifi, demandeur d’asile débouté. Monsieur Kalifi avait fait l’objet d’un refoulement vers Tunis, sans que la Justice luxembourgeoise, suite à une perquisition, n’eût établi aucune charge mais avec le Gouvernement fournissant comme explication la « protection des secrets intéressant la sécurité extérieure de l’État »[1].

 

Sous la présidence de Nic Klecker, la CCDH avait signalé au Gouvernement luxembourgeois que cette expulsion, sans inculpation officielle, se déroulait en violation de la législation nationale et des conventions internationales en matière de droits fondamentaux. A l’époque, le régime tunisien était connu pour appliquer, dans ses centres pénitentiaires, la torture et des traitements cruels, inhumains et dégradants. Les appréhensions de la CCDH devaient se confirmer, car dès son arrivée à Tunis, Monsieur Kalifi a été incarcéré pour devenir victime de sévices d’une extrême gravité, mettant sa vie en danger.

 

Monsieur Kalifi a été libéré après un cauchemar de six ans dans les geôles tunisiennes. Suite au reportage « Folter auf Lebenszeit » de Stephan Kunzmann[2], le député André Hoffmann introduit une question parlementaire[3]. Dans leur réponse, le Premier Ministre ainsi que les Ministres François Biltgen et Nicolas Schmit (3.8.2011) concluent: « Le Luxembourg n’a pas d’emprise sur le déroulement des procédures judiciaires dans lesquelles Monsieur Kalifi a pu être impliqué en Tunisie. »

La CCDH tient à exprimer sa plus profonde inquiétude face à une telle interprétation des faits par le Gouvernement. Si celui-ci n’était pas en mesure d’agir sur le déroulement des procédures judiciaires à Tunis, il est néanmoins évident qu’il assume la responsabilité pour le refoulement de Monsieur Kalifi en Tunisie. En 2003 et depuis des années, la situation politique et les violations fréquentes des droits de l'Homme dans ce pays étaient suffisamment dénoncées par les associations de défense des droits humains pour ne laisser planer aucun doute sur les dangers que pouvait encourir Monsieur Kalifi lors d'un retour forcé en Tunisie.

 

La Cour européenne des droits de l'Homme, dans une jurisprudence constante, retient que la responsabilité d'un Etat est engagée lorsqu'il procède à l'expulsion d'une personne dans un pays où il y a des motifs sérieux et avérés de croire qu'elle risque d'être soumise à des traitements inhumains et dégradants.

 

C’est parce que le cas individuel évoqué concerne une question générale sur les principes fondamentaux de protection des droits de l’Homme, applicables en matière de refoulement, que la CCDH  formule ce communiqué. En effet, il appartient à la CCDH de veiller au respect inconditionnel des droits humains fondamentaux de toute personne et de condamner par les moyens appropriés toute atteinte à la dignité de la personne, surtout si son statut risque de l’exposer à des décisions qui peuvent avoir des suites tragiques.

De ce fait la CCDH réitère, en 2011, sa recommandation au Gouvernement 

- de respecter, en toutes circonstances, et sans restriction, son devoir de protection de ceux et de celles qui font l’objet d’un éloignement du territoire contre les atteintes à leurs droits fondamentaux,

- d’user de toute son autorité auprès de ses homologues étrangers pour que la personne expulsée ne soit soumise ni à la torture ni à des traitements inhumains et dégradants durant une incarcération et qu’elle ait droit à un procès équitable.

 

Luxembourg, le 21 octobre 2011


[1] Réponse du 17.09.2003 à la question parlementaire du député Serge Urbany du 06.08.2003

[2] Folter auf Lebenszeit, Stephan Kunzmann, Revue, 25.05.2011

[3] Compte rendu des séances publiques, No.17, session ordinaire 2010-2011, Question 1543 (28.6.2011)

 

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