Communiqué : fermeture temporaire du bureau d'accueil pour demandeurs de protection internationale et les conditions d'accueil des demandeurs de protection internationale

1. Le 30 septembre 2011, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration décide de fermer le  bureau d’accueil pour demandeurs de protection internationale pour une période indéterminée. Plus aucune nouvelle demande n’est enregistrée et les nouveaux arrivants se retrouvent abandonnés devant les portes closes du bureau d’accueil. L’impossibilité de déposer leur demande les prive du titre matériel qui leur permet notamment de circuler sur le territoire et leur donne accès aux conditions matérielles d’accueil pour demandeurs de protection internationale, notamment l’hébergement et l’accès aux soins de santé.

Saisi en urgence par une famille de demandeurs de protection internationale qui n’avait pas pu faire enregistrer sa demande et s’était retrouvée livrée à elle-même sans aucune prise en charge, le Président du Tribunal administratif ordonne au gouvernement le 6 octobre 2011  « de loger les demandeurs ou leur procurer les moyens pour se loger tel que prévu par l’article 6 du règlement grand-ducal du 1er septembre 2006 fixant les conditions et les modalités d’octroi d’une aide sociale aux demandeurs de protection internationale »

En réponse à une question parlementaire urgente du 4 octobre 2011 du député Félix Braz[1], le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration explique que l’abolition de visa pour les ressortissants serbes, monténégrins, macédoniens, bosniens et albanais a entraîné une augmentation, surtout ces trois derniers mois, du nombre de demandeurs de protection internationale en provenance des pays des Balkans de l’Ouest. La décision de fermer le bureau d’accueil se justifierait par « cet afflux [qui] est actuellement impossible à gérer par le personnel mis en place », le personnel étant par ailleurs en effectif réduit. La décision de fermeture est aussi expliquée à la lumière d’informations du Bureau de Coopération de Pristina (Kosovo) du 22 septembre 2011, selon lesquelles « une nouvelle  vague d’émigrants pour le Luxembourg était en train de se préparer pour partir avant l’hiver ». Le ministre informe qu’une concertation avec les autorités belges a été entamée en vue de saisir la Commission européenne « qui doit veiller à ce que la suppression de l’obligation de visa ne crée pas de telles tensions ». Le ministre explique finalement que les jours de fermeture ont permis au personnel de procéder à l’enregistrement et à l’ouverture des dossiers des personnes arrivées avant le 30 septembre et que « cette tâche étant désormais clôturée, le bureau pourra de nouveau être accessible. »

La CCDH rappelle que demander l’asile est un droit fondamental au sens de l’article 14.1 de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme et il appartient au gouvernement luxembourgeois d’assurer aux personnes concernées le plein exercice de ce droit fondamental. La CCDH estime que l’entrave de cet exercice, même temporaire, ne peut se justifier par des considérations d’effectifs réduits et qu’il serait dès lors urgent de donner au ministre les moyens nécessaires pour lui permettre de remplir ses fonctions. La CCDH s’inquiète par ailleurs du lien fait entre la fermeture du bureau d’accueil et une «vague d’émigrants » annoncée du Kosovo et elle rappelle la différence fondamentale qui existe entre le statut juridique d’immigrant ressortissant d’Etats tiers, et celui de demandeur de protection internationale, ce dernier garantissant à son titulaire une panoplie de droits qui doivent être protégés tant que ce statut existe.

2. Si le bureau d’accueil a rouvert et que les demandes ont pu recommencer à être enregistrées, la CCDH s’inquiète cependant des conditions de logement de certains demandeurs incluant des familles avec enfants en bas âge. La CCDH a notamment pris connaissance de ces conditions via le site Internet de l’ASTI, où l’on peut constater que les personnes sont logées sous des toiles de tente, à même la terre, sans bâche au sol.  

La CCDH est consciente que les textes applicables prévoient la possibilité de loger des demandeurs de protection internationale dans des structures d’accueil d’urgence lorsque les capacités de logement normalement disponibles sont temporairement épuisées, mais elle estime que les structures d’accueil d’urgence en question se doivent de garantir la dignité humaine et le respect de leur vie privée aux personnes concernées.

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En période de crise, telle celle que nous traversons actuellement, certaines personnes en situation particulière de vulnérabilité, tels les réfugiés, sont encore plus exposées  à des atteintes à leurs droits fondamentaux. Il  incombe à l’État de prévenir ces atteintes en toutes circonstances.

Dans un tel contexte, la CCDH rappelle 

- l’article 14.1. de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme : « devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l'asile en d'autres pays »,

- l’article 3.1 de la Convention relative aux droits de l’enfant : « dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale »,

- l’article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants »,

- l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est  nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. »

Luxembourg, le 24 octobre 2011


[1]Question parlementaire urgente n° 1676, Felix Braz, 3 octobre 2011

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