Lettre ouverte du président de la CCDH au Premier Ministre

Toute la planète est confrontée à une pandémie qui soumet plus de 3 milliards de personnes, presque la moitié de l’humanité, à des contraintes exceptionnelles pour endiguer les conséquences d’une contamination. Des centaines de milliers de personnes sont déjà touchées par le Covid-19 et il y a un nombre effroyable de personnes qui sont décédées. Ce virus ne fait pas de différence quant au sexe, l’âge, la religion, la nationalité, l’origine, la couleur de peau, le statut social ou économique, ….

Face à l’ampleur de la crise, la Commission consultative des Droits de l’Homme (CCDH) tient à saluer les engagements pris par le gouvernement pour répondre à l’urgence sanitaire et aussi économique. Le droit à la vie et à la santé est un droit fondamental et nous apprécions particulièrement que le gouvernement ne lésine pas sur les moyens humains, financiers et logistiques pour endiguer cette épidémie.  

 

La CCDH s’est penchée sur l’impact du Covid-19 dans notre pays, surtout par rapport à la question du respect des droits humains. Le gouvernement, après la déclaration de l’état de crise, dispose d’une large marge de manœuvre en ce qui concerne les mesures à prendre pour limiter la propagation du virus.

 

La CCDH, dont le rôle est de conseiller le gouvernement sur toutes questions relatives au respect des droits de l’Homme, salue les efforts quotidiens du gouvernement pour veiller à ce que la population tout entière soit protégée pendant cette période difficile. La CCDH s’est fixé comme mission de suivre les développements et de veiller dans quelle mesure des limitations aux droits et libertés fondamentales sont nécessaires et proportionnées à ce que requiert la situation. Les droits humains constituent un cadre clair et indispensable au gouvernement pour garantir un juste équilibre entre la protection de la santé publique et le respect des droits fondamentaux et libertés individuelles. En même temps, ils permettent de limiter les restrictions au stricte nécessaire.

Nous sommes impressionnés par la vague de solidarité qui se manifeste dans notre pays : cette solidarité accompagne et amplifie les mesures prises par le gouvernement. Il s’agit d’un apport pour amortir les effets de cette pandémie.

Nous voudrions exprimer notre reconnaissance à toutes celles et tous ceux qui apportent leur pierre à l’édifice : des éboueurs aux médecins, en passant par le personnel soignant et enseignant, les chauffeurs, les forces de l’ordre, les services de secours, ceux des communes et de l’État, les agriculteurs, le personnel qui accueillent des enfants, des personnes âgées, malades, en situation de handicap, celui et celle qui travaille dans les magasins d’alimentation, les professionnels dans nos organes de presse …

Nous adressons un appel à tous les partis politiques, les ONG, les syndicats, les associations et groupes, quels qu’ils soient, de continuer à s’associer à cette vague de solidarité. Au-delà de tout ce qui nous sépare, le moment est venu de nous concentrer sur ce qui nous unit.

 

Il est important pour nous d’attirer votre attention sur le fait que cette crise touche certaines personnes plus lourdement, accentue des injustices et des discriminations, rend encore plus visibles certaines fractures. La liste est longue et nous voudrions donner quelques exemples.

Nous pensons aux personnes qui sont sans domicile fixe ou qui souffrent de dépendances. Leur situation déjà marginalisée risque d’être amplifiée et ils auront alors une double peine à porter.

La crise du logement rendra encore plus difficile la situation des familles contraintes à vivre en permanence dans des locaux insalubres ou trop petits. Dans les familles dans lesquelles un ou plusieurs de ses membres sont susceptibles d’être victimes de violence, le confinement augmentera le risque de maltraitance.

Il faut se pencher sur la situation des plus jeunes, qui sont en difficultés d’apprentissage ou qui présentent des troubles de comportement, qui ne peuvent pas bénéficier d’un encadrement scolaire et éducatif adéquat dans leur milieu familial et cela quelles que soient les mesures d’accompagnement prises par les autorités scolaires. Une préoccupation de la CCDH concerne le danger d’une utilisation excessive des jeux vidéo comme passe-temps, surtout auprès des adolescents livrés à eux-mêmes.

La précarité qui touche beaucoup de nos concitoyens et que nous n’avons jamais été en mesure de juguler ne va pas diminuer, au contraire : la crise économique va créer un risque d’appauvrissement plus conséquent.

Il faut penser aussi aux personnes privées de liberté, que ce soit en prison ou au centre de rétention.

Nous sommes préoccupés par la situation des réfugiés qui vivent dans les centres d’accueil, celle des malades chroniques et handicapés qui nécessitent une continuité de soins, …

Dans la mesure où de nombreuses ressources hospitalières ont été centralisées pour lutter contre les conséquences de la contamination par le virus, n’y a-t-il pas un danger que ces ressources viennent cruellement à manquer dans d’autres services ?

Toutes les associations qui s’engagent en 1ère ligne pour les besoins de ces personnes sont très méritoires : il faut les écouter, car elles sont les caisses de résonnance pour ces personnes, mais, plus encore, elles doivent bénéficier de toutes les aides nécessaires.

 

Je voudrais conclure en soulignant que cette crise nous met toutes et tous devant nos responsabilités : s’il est important de réagir dans le court terme, il ne faut pas oublier l’essentiel. A la sortie de la crise sanitaire toutes les limitations aux droits et libertés fondamentales devront être levées. Il faudra aussi prendre du temps pour s’occuper des personnes qui ont le plus souffert. Nous ne sommes pas seuls.

Nous partons du fait, qu’après tous ces bouleversements, notre société aura changé et se sera réinventée : il y aura des progrès en termes de solidarité, de nouvelles formes de travail, de nouvelles stratégies pour joindre les personnes isolées et aussi pour réduire les inégalités sociales. Il y aura moins d’outrage à la dignité.

Nous sommes confiants de ce qui arrivera.

 

 

Gilbert Pregno

Président de la Commission consultative

des Droits de l’Homme du Grand-Duché de Luxembourg

 

 

 

 

Copies à :

Monsieur François Bausch, Vice-Premier Ministre

Monsieur Dan Kersch, Vice-Premier Ministre

Madame Paulette Lenert, Ministre de la Santé

Dernière modification le