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Limitation d’accès à l’abri hivernal pour sans-abris « Wanteraktioun »
Créé en 2001 pour éviter que des personnes ne disposant pas de domicile fixe ne passent la nuit dehors dans le froid, l'abri hivernal dit « Wanteraktioun » a instauré de nouvelles conditions d'accès pour la saison 2024/2025. Seules les personnes pouvant justifier d’une présence d’au moins trois mois sur le territoire luxembourgeois ont droit à un accès, tandis que celles ne remplissant pas ces conditions ont droit à un accès limité à trois nuits. La décision de restreindre l'accès soulève de nombreuses questions quant au respect des droits humains, et le problème systémique de l’accès au logement abordable au Luxembourg.
Conformément à ses obligations internationales et nationales, le Luxembourg se doit de respecter le droit à un hébergement de toute personne, intimement lié au principe du respect de la dignité humaine et au droit à la vie. Pour ce faire, outre les mesures pour garantir un logement convenable et lutter contre la pauvreté, la CCDH appelle le gouvernement à créer des conditions qui permettent de garantir un accès à des biens et services essentiels, dont un abri et une prise en charge sociale et médicale adéquate, à toute personne, sans distinction sur base de leur situation administrative.
Dans ce contexte, la CCDH s’inquiète tout d’abord du caractère aléatoire de ce critère. Seront considérées comme admissibles les personnes pouvant prouver une prise en charge par un « service social » depuis au moins trois mois. Or, qu’en est-il de ceux qui, pour une raison ou une autre, n’ont jamais fait appel à un tel service bien qu’ils se trouvent au Luxembourg depuis au moins trois mois ? À cela s’ajoute le fait que cette lourdeur administrative liée à la mise en place de ce critère, donne lieu à un temps d’attente supplémentaire pour l’accès à la « Wanteraktioun ».
Avant toute décision de restriction d’accès à un service de solidarité, il est indispensable pour l’État de mettre en place des mesures visant à lutter contre l’augmentation de la pauvreté et d’améliorer l’accès à un hébergement. La CCDH souligne que la présence récente de tentes installées devant la « Wanteraktioun » illustre l'insuffisance des capacités d'accueil appropriées et l'urgence d'une réponse adaptée et sur le long terme.
En l’absence de telles mesures, la seule alternative envisageable serait de prévoir une augmentation du nombre de places disponibles ou des moyens d’hébergements alternatifs.
Une sélection des personnes désirant accéder à l’abri nocturne devrait être évitée par tous les moyens. En tout état de cause, celle-ci ne saurait en aucun cas être effectuée en amont sur un critère purement administratif.
La décision de restreindre l’accès à la « Wanteraktioun » est motivée par l’assertion que, par le passé, la structure aurait fait face à des demandes d’accès par des personnes résidant à l’étranger et qui se seraient rendues au Luxembourg dans le seul but de se rendre à l’abri hivernal. Cependant, la CCDH constate que cette assertion n’est pas appuyée par des chiffres fiables. Par le passé, les données sur la durée de séjour préalable à une demande d’accès ne semblent pas avoir été recensées de manière systématique. À cela s’ajoute que les chiffres indiqués par les autorités ne font pas de distinction entre ceux qui demandaient pour la première fois d’accéder à la structure tout en se trouvant depuis plus de trois mois au pays et ceux qui venaient d’entrer sur le territoire avant leur demande d’accès.
La CCDH rappelle dans ce contexte que l’an dernier, la « Wanteraktioun » était le seul recours pour plusieurs demandeurs de protection internationale (DPI) qui n’avaient pas été admis dans une structure spécifique au prétexte d’un manque de places disponibles. Cette décision contestée ayant contribué à augmenter le nombre de demandes d’accès à la « Wanteraktioun », elle ne peut justifier une restriction de l’accès à un abri conçu comme réponse humanitaire à une situation de détresse de personnes particulièrement vulnérables. La CCDH exprime son inquiétude face à la répétition de telles situations, où des DPI se voient contraints de recourir à un hébergement d’urgence à la « Wanteraktioun », alors que l’obligation d’hébergement incombe à l’Office national de l’accueil (ONA). Elle regrette fortement la poursuite de cette pratique et souligne qu’un tel traitement n’est pas digne d’un pays qui se veut respectueux des droits humains.
Procéder à une sélection parmi cette population en se basant sur un critère arbitraire de durée de séjour risque de renforcer leur stigmatisation en raison de leur origine ou de la précarité de leurs ressources, une tendance de plus en plus fréquente dans les discours officiels. Dans ce contexte, la CCDH exprime ses préoccupations face aux messages contradictoires émanant du gouvernement. D’un côté, pour justifier l’interdiction de la mendicité, les autorités ont, à plusieurs reprises, affirmé qu’il existe suffisamment d’aides pour ne pas devoir mendier. De l’autre côté, la restriction d’accès à la « Wanteraktioun », justifiée par les autorités par un manque de places disponibles, semble contredire cette assertion. Cette situation crée une incohérence notable dans la politique de soutien aux plus vulnérables, accentuant ainsi leur précarité.
La CCDH exhorte dès lors le gouvernement à rétablir le caractère essentiellement humanitaire de la « Wanteraktioun », à prendre en compte les vulnérabilités des personnes indépendamment de la durée de leur présence sur le territoire et à veiller à un langage approprié et respectueux. En tout état de cause, elle appelle le gouvernement à respecter les principes de dignité et d’égalité découlant de la Constitution.
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